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A l'origine des pratiques contemporaines, le concept de « démocratie participative » naît dans les années 1960, dans un contexte marqué par la remise en cause du monopole de l’État tout puissant : il s'agit alors de consolider le système représentatif par une meilleure association des citoyens à la prise de décision. Le concept prend progressivement corps dans les décennies suivantes, dans un domaine particulièrement mobilisateur : celui de la transformation du cadre de vie. Reposant sur une collaboration entre décideurs et population, la participation prend des formes diversifiées, pouvant être lue comme relevant de dynamiques « ascendantes » ou « descendantes ».
Dans le
premier cas, la participation est le fruit d'initiatives des habitants, souvent
constitués en collectifs pour défendre des intérêts communs ou promouvoir un
projet. Elle se traduit par l'aménagement d'un jardin partagé ou d'un espace
public soutenu par la mairie, par l'instauration d'un dialogue qui place
l'action publique au plus près des besoins, par une implication au sein de
dispositifs institutionnels.
Dans le second cas, la participation est proposée
par les décideurs dans le cadre d'instances inscrites dans la durée (conseils
de quartiers par exemple) ou de démarches ponctuelles sur des projets relevant
de leurs compétences (aménagement urbain, tracé d'une ligne de chemin de fer,
refonte d'une politique publique). Ces démarches reposent généralement sur des
dispositifs formels, souvent liés à une obligation légale, parfois organisés de
manière volontariste. La participation passe alors par différents types
d'outils, plus ou moins favorables à la réflexion collective : enquêtes et
sondages, réunions publiques, ateliers d'urbanisme, groupes restreints chargés
de délibérer sur une question donnée.
Si l'offre
institutionnelle va croissante depuis une dizaine d'année, elle suscite autant
d'enthousiasme que de scepticisme. Les décideurs se rapprochent des habitants,
certes, mais la participation renvoie à un enjeu pouvoir qui laisse bien
souvent les participants sur leur faim. L'hétérogénéité des pratiques et la
non-normalisation des termes qui y sont associés[1]
prêtent à la désillusion. Le temps long des projets comme leur complexité
n'arrangent pas les choses, masquant souvent les effets concrets de la
participation. Ceux-ci, pourtant indéniables, sont de plusieurs ordres :
- Contribution
aux projets, par un enrichissement des réflexions menées en phase de
programmation et/ou de conception ; dans le cas bordelais, on prendra
l'exemple des démarches participatives organisées en amont des projets
d'aménagement du quartier Euratlantique et de franchissement de la Garonne, qui
ont permis aux associations d'habitants de contribuer de manière effective à la
définition des attendus ;
-
Évolution
de l'action publique, qui gagne en transparence sous la pression des élus
soumis à l'« impératif participatif »[2],
ainsi que grâce au décloisonnement des pratiques ;
- Effet
d'apprentissage pour les habitants, qui acquièrent de nouvelles connaissances
(techniques, procédurales) et compétences (s'exprimer en public, argumenter,
négocier) et sont ainsi plus à même d'agir collectivement sur leur cadre de
vie.
Ainsi,
malgré le fossé qui sépare parfois les attentes des effets visibles de la
participation, celle-ci n'est-elle pas complètement vaine. Mais comme le
montrent de nombreuses études de cas, l’un des principaux obstacles à son
déploiement réside dans la défiance réciproque des acteurs (décideurs et
professionnels de l'urbain d'un côté, habitants de l'autre), qui ont tendance à
préjuger de l'incompétence et de l'incapacité de l'autre à collaborer en bonne
intelligence. Reste à espérer que les efforts pour faire la ville ensemble
perdurent des deux côtés, produisent de nouvelles voix de dialogue, des outils
appropriables par tous et suffisamment de bénéfices pour nous faire peu à peu
baisser la garde, afin que s'établisse la confiance nécessaire à l'émergence
d'une approche renouvelée de la ville, plus transversale et coopérative.
architecte
auteure de la thèse : "fabrication de la ville et particiption publique : l'émergence d'une culture métropolitaine : le cas de la Communauté Urbaine de Bordeaux"
[1] « Information », « consultation »,
« concertation », « co-construction » notamment, qui
renvoient à une échelle d'analyse de la participation en termes de degré
d'implication dans le processus décisionnel.
[2] Voir Blondiaux Loïc, Le nouvel esprit de la
démocratie. Actualité de la démocratie participative, Seuil, 2008