Belcier est un
quartier qui a la particularité de vivre “en continu”, 24h/24, 7j/7. Le site
n’est cependant pas centré autour d’une activité unique qui ne s’arrêterait
jamais. Cette continuité est le fruit d’un enchaînement de plusieurs
temporalités. Celles-ci se dégagent de fonctions urbaines distinctes qui
résonnent à différentes échelles, du quartier à la métropole.
une rue dans le quartier Belcier à Bordeaux
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Nous retrouvons
quatre espaces qui génèrent chacun une temporalité singulière. Un espace
habité, un pôle nuit (bars/boîtes), un marché d’intérêt national (MIN) et la gare
Saint-Jean, qui constitue une rupture importante avec le tissu urbain du centre
de Bordeaux et à laquelle le quartier est adossé. Ce dernier semble alors se
replier autour d’une place centrale, la place Fernand Buisson, montrant ainsi
une morphologie urbaine de village dans la ville.
Les enjeux
métropolitains de ce territoire ne sont pas récents. La gare, le MIN, le pôle
nuit et la prostitution sont des éléments métropolitains. La construction du
quartier Belcier semble reposer depuis longtemps sur cet équilibre entre temps
de la métropole et temps du quartier. L’usage si particulier qui en découle, à
la fois dans ces bons et ces mauvais côtés, représente un savoir-vivre et un
patrimoine social important. Mais comment faire entendre le son quasi
« acoustique » d’une vie de quartier au sein d’un espace qui résonne
et s’amplifie à l’échelle métropolitaine ?
La période d’activité
de ces espaces s’organise de telle sorte qu’il y en a toujours un à l’œuvre.
C’est cet enchaînement qui donne son rythme au quartier. Pourtant, de l’avis de
certains habitants/usagers, ce n’est pas cette métronomie si particulière
qu’ils recherchent. C’est plutôt une vie de quartier-village, presque insulaire
(et un peu fantasmée ?). La priorité est donc de trouver des solutions aux
nuisances et à la cohabitation difficile de certains temps de Belcier.
Euratlantique se présente alors comme une opportunité. Mais les nouvelles
contraintes et mutations engendrées par ce projet ne risquent-elles pas de
remettre en cause plus profondément et plus durablement le fragile équilibre de
cet espace ?
La disparition du
pôle nuit et de la prostitution semblent en chemin. Nous pouvons également
imaginer que l’augmentation continue des prix de l’immobilier et du foncier
conduira, à terme, à reconsidérer la place d’un équipement comme le MIN en cœur
d’agglomération. Certains habitants pourraient par ailleurs être poussés à
vendre un bien devenu très rentable ou à quitter une location de plus en plus
chère.
Jean Grosbellet
Urbaniste, chercheur
Membre de BAOBAB