mercredi 21 mai 2014

Temps du quartier, temps de la métropole


Belcier est un quartier qui a la particularité de vivre “en continu”, 24h/24, 7j/7. Le site n’est cependant pas centré autour d’une activité unique qui ne s’arrêterait jamais. Cette continuité est le fruit d’un enchaînement de plusieurs temporalités. Celles-ci se dégagent de fonctions urbaines distinctes qui résonnent à différentes échelles, du quartier à la métropole.

une rue dans le quartier Belcier à Bordeaux

Nous retrouvons quatre espaces qui génèrent chacun une temporalité singulière. Un espace habité, un pôle nuit (bars/boîtes), un marché d’intérêt national (MIN) et la gare Saint-Jean, qui constitue une rupture importante avec le tissu urbain du centre de Bordeaux et à laquelle le quartier est adossé. Ce dernier semble alors se replier autour d’une place centrale, la place Fernand Buisson, montrant ainsi une morphologie urbaine de village dans la ville.

Les enjeux métropolitains de ce territoire ne sont pas récents. La gare, le MIN, le pôle nuit et la prostitution sont des éléments métropolitains. La construction du quartier Belcier semble reposer depuis longtemps sur cet équilibre entre temps de la métropole et temps du quartier. L’usage si particulier qui en découle, à la fois dans ces bons et ces mauvais côtés, représente un savoir-vivre et un patrimoine social important. Mais comment faire entendre le son quasi « acoustique » d’une vie de quartier au sein d’un espace qui résonne et s’amplifie à l’échelle métropolitaine ?

La période d’activité de ces espaces s’organise de telle sorte qu’il y en a toujours un à l’œuvre. C’est cet enchaînement qui donne son rythme au quartier. Pourtant, de l’avis de certains habitants/usagers, ce n’est pas cette métronomie si particulière qu’ils recherchent. C’est plutôt une vie de quartier-village, presque insulaire (et un peu fantasmée ?). La priorité est donc de trouver des solutions aux nuisances et à la cohabitation difficile de certains temps de Belcier. Euratlantique se présente alors comme une opportunité. Mais les nouvelles contraintes et mutations engendrées par ce projet ne risquent-elles pas de remettre en cause plus profondément et plus durablement le fragile équilibre de cet espace ?

La disparition du pôle nuit et de la prostitution semblent en chemin. Nous pouvons également imaginer que l’augmentation continue des prix de l’immobilier et du foncier conduira, à terme, à reconsidérer la place d’un équipement comme le MIN en cœur d’agglomération. Certains habitants pourraient par ailleurs être poussés à vendre un bien devenu très rentable ou à quitter une location de plus en plus chère.

Les difficultés de synchronisation entre temps du quartier et temps de la métropole conduisent au développement de paradoxes socio-spatiaux. Harmoniser les temps semble être le préalable pour bâtir un espace qui se pratique à différentes échelles.

Jean Grosbellet
Urbaniste, chercheur
Membre de BAOBAB