vendredi 1 novembre 2013

Pourquoi manifeste-t-on ? Où manifeste-t-on ?



Propos rapportés DEBAOBAB #3 " Lieux, Peuples et Revendications", 
Alain Delmas, Responsable CGT
               
Sur les questions : Pourquoi manifeste-t-on ? Où manifeste-t-on ?
Comment s’empare-t-on de l’espace public ?

« La manifestation, s’emparer des lieux publics, c’est vieux comme le monde. L’agora c’était s’emparer des lieux publics pour débattre, c’était des lieux de démocratie et d’échanges. S’emparer des lieux publics, de la rue, c’est aussi dire qu’on existe, exprimer des problèmes, faire des propositions et se faire entendre. Ce sont aussi des lieux de solidarité et de convergences. […]
On a souvent l’impression que c’est facile mais, ce n’est pas aussi simple que cela de s’emparer de l’espace public. D’abord parce qu’il y a eut des lois qui sont tombées, les lois Pasqua, des lois liberticides, dans les années 1993-1994. Avant on ne faisait pas de demandes, on n’avait pas besoin d’autorisations pour manifester. Ensuite, parce que la ville elle-même évolue, l’espace public se transforme. A Bordeaux, par exemple avec le tram, il y a tout un tas de lieux dont on ne peut plus s’emparer. Les tracés pour les manifs par exemple : La préfecture, le conseil régional, la mairie de Bordeaux, ce sont des lieux symboliques. La place de la Victoire aussi est un lieu symbolique. Mais il y a des lieux auxquels c’est de plus en plus difficile d’accéder. […]
Cite « Nolli poche en noir les blocs et habitations privées mais détail le plan intérieur des bâtiments publics, le blanc de l’espace du vide (la rue) se poursuit à l’intérieur des édifices publics indiquant clairement que leurs espaces, même intérieurs, deviennent à la disposition du public. » C’est fini ça, c’est fini ! Les édifices publics n’appartiennent plus au peuple !


Sur la question des revendications, il y a différents lieux pour revendiquer. L’entreprise elle-même qu’on peut occuper. Je me rappelle d’une entreprise sur la rive droite, les mecs en avait marre, ils étaient mal payés (…). Un matin ils ont dit, « nous on arrête tout ! ». Ils ont fait un petit tract et ils sont allés bloquer un rond-point. Donc ils se sont emparés de cet espace public pour signifier et communiquer, expliquer « Nous on est là et voilà pourquoi on fait ça ! »

Quelle est l’influence des réseaux sociaux dans la pratique de la manifestation ?

« J’ai lu plein de commentaires sur le printemps arabe où ils disaient que ça avait été déterminant mais, ça peut pas être le réseau social qui a permis ça ! ça suffit pas en lui-même c’est-à-dire que en amont, il y a besoin d’avoir des organisations, quelles qu’elles soient, des organisations de femmes et d’hommes, qui vont se retrouver, qui vont discuter, où il va y avoir de l’humain, etc. le support web, internet, ça va être un plus. (…)L’outil ne suffit pas en lui-même. Tu ne peux construire qu’avec les intéressés. Une manifestation ça se décide avec les gens eux-mêmes. […]
Une notion qui mérite d’être rappelée c’est que tous ces mouvements, c’est l’individuel par rapport au collectif.  Pendant des années on a dit que c’était la masse qui comptait et, c’est toujours d’actualité, plus on est nombreux plus le rapport de force est grand. Sauf que cette masse elle est composée d’individus et que si l’individu ne se retrouve pas dans cette masse, si son individualité n’est pas reconnue, la masse elle explose. Chaque individu compose cette masse mais il faut respecter cette individualité. Cette notion de rapport de l’individu au collectif, c’est bon pour les mouvements revendicatifs mais c’est vrai aussi pour toute forme d’organisation. »