vendredi 1 novembre 2013

L’accueil des exilés



Les personnes que nous accueillons dans notre association Mana viennent d’ailleurs. Elles ont quitté leur pays d’origine, leurs repères, pour s’aventurer dans un nouvel univers social, culturel, linguistique. 


Parfois, ils ont fuit des guerres meurtrières. Parfois, ils ont été persécutés à cause de leur appartenance politique, religieuse ou ethnique. Certains ont connu la prison, la torture et les traces qu’elles laissent sur le corps et le psychisme. Quand un autre humain est à l’origine d’une violence innommable, quand les traumatismes sont intentionnels, le rapport aux autres change, les liens sont rompus. Ainsi la peur, le désespoir, le silence envahissent la vie toute entière. La France leur apparaît comme un lieu possible où leurs souffrances mais aussi leurs luttes seraient reconnues, les actes graves dont ils ont été victimes seraient condamnés, et ainsi leur permettant de s’inscrire dans la société d’accueil, de renouer des liens avec les autres, de reconstruire leur vie. Mais ce pays est devenu si inhospitalier ! Les conditions d’accueil se sont dégradées, la suspicion est omniprésente et l’octroi du statut de réfugié devient aléatoire. Parfois, suite au rejet de leur demande d’asile, un sentiment d’injustice les envahit mais le plus souvent, c’est le désespoir… et l’incompréhension.
Dans notre service de clinique transculturelle au sein de l’hôpital Saint-André, nous les accueillons et leur proposons un espace de soins où leurs blessures pourront commencer à guérir et rendant l’avenir possible. Nous les accueillons avec leur histoire singulière inscrite dans une histoire collective, avec leurs représentations culturelles, avec leur langue à travers la présence des interprètes, ces merveilleux passeurs de monde. Et lorsque la parole est difficile, lorsque le trauma semble avoir anéanti les capacités de penser, de tisser des liens, de se raconter, des ateliers à médiation artistique leur sont proposés. À travers la peinture, le conte ou la danse, on se retrouve à plusieurs pour jouer, pour créer à partir des couleurs, des histoires, des gestes ou des mouvements. On renoue avec l’enfant en soi, avec le pays natal, on se réapproprie son histoire. On s’amuse, rit ou pleure ensemble. Une joie partagée est une double joie, et un chagrin partagé, un demi-chagrin, dit un dicton populaire. Dans ces espaces, la créativité, le rêve, la rêverie sont à l’œuvre comme une forme de résistance. Pour reprendre les mots de Miguel Benazayag : résister c’est créer.


Bérénice Quattoni, Psycologue et membre de l'association transculturelle MANA