Les personnes que nous accueillons dans notre association Mana viennent d’ailleurs.
Elles ont quitté leur pays d’origine, leurs repères, pour s’aventurer dans un nouvel
univers social, culturel, linguistique.
Parfois, ils ont fuit des guerres
meurtrières. Parfois, ils ont été persécutés à cause de leur appartenance
politique, religieuse ou ethnique. Certains ont connu la prison, la torture et
les traces qu’elles laissent sur le corps et le psychisme. Quand un autre humain
est à l’origine d’une violence innommable, quand les traumatismes sont
intentionnels, le rapport aux autres change, les liens sont rompus. Ainsi la
peur, le désespoir, le silence envahissent la vie toute entière. La France leur
apparaît comme un lieu possible où leurs souffrances mais aussi leurs luttes
seraient reconnues, les actes graves dont ils ont été victimes seraient condamnés,
et ainsi leur permettant de s’inscrire dans la société d’accueil, de renouer des
liens avec les autres, de reconstruire leur vie. Mais ce pays est devenu si inhospitalier !
Les conditions d’accueil se sont dégradées, la suspicion est omniprésente et
l’octroi du statut de réfugié devient aléatoire. Parfois, suite au rejet
de leur demande d’asile, un sentiment d’injustice les envahit mais le plus
souvent, c’est le désespoir… et l’incompréhension.
Dans
notre service de clinique transculturelle au sein de l’hôpital Saint-André,
nous les accueillons et leur proposons un espace de soins où leurs blessures
pourront commencer à guérir et rendant l’avenir possible.
Nous les accueillons avec leur histoire singulière inscrite dans une histoire
collective, avec leurs représentations culturelles, avec leur langue à travers
la présence des interprètes, ces merveilleux passeurs de monde. Et lorsque la
parole est difficile, lorsque le trauma semble avoir anéanti les capacités de
penser, de tisser des liens, de se raconter, des ateliers à médiation
artistique leur sont proposés. À travers la peinture, le conte ou la danse, on
se retrouve à plusieurs pour jouer, pour créer à partir des couleurs, des
histoires, des gestes ou des mouvements. On renoue avec l’enfant en soi, avec
le pays natal, on se réapproprie son histoire. On s’amuse, rit ou pleure
ensemble. Une joie partagée est une double joie, et un chagrin partagé, un demi-chagrin,
dit un dicton populaire. Dans ces espaces, la créativité, le rêve, la rêverie
sont à l’œuvre comme une forme de résistance. Pour reprendre les mots de Miguel
Benazayag : résister c’est créer.
Bérénice Quattoni, Psycologue et membre de l'association transculturelle MANA