Résistance
d’un peuple
Je vais
d’abord vous présenter ce qu’est la revendication, à travers l’espace public,
au Vietnam. Au delà de la revendication, je parlerai plus exactement de résistance
d’un peuple. Depuis plusieurs décennies, il résiste à des occupations, un
régime politique communiste, des conflits, mais a démontré un véritable
attachement à son identité et sa culture.
Comparé à
leurs voisins géographiques, c’est quand même un pays où il y a de l’éducation,
pas d’enfants dans la rue, de la pauvreté mais pas de misère. Certes, il y a de
la censure, pas de liberté de presse ou d’artistes pour s’exprimer, mais je ne
pense pas que ce soit les mêmes problématiques que chez nous. Les priorités
sont différentes.
Ho
chi min ville, occupation populaire de l’espace public
Il y a cette
contradiction entre un gouvernement communiste et un développement du pays
complètement capitaliste. Des buildings commencent à émerger de la ville, un
peu comme on peut voir dans les grandes mégalopoles asiatiques à Bangkok, Hong
Kong. Appartenant pour la plus part à des grandes firmes, ils sont de plus en
plus hauts et font de plus en plus l’objet de spéculations. Aujourd’hui le
modèle dominant est celui d’un urbanisme « à l’occidentale », basé
sur le modèle américain, empreint au sol par une occupation typiquement
asiatique : échoppes, marchés clandestins, temples « sauvages »,
flots urbains des deux roues. De manière contradictoire, le rapport au sol, lui
est différent, du fait que ce soit un état communiste, le sol appartient à
l’état, au peuple.
L’espace
public au Vietnam a profondément été marqué par une succession d’occupations et
de régimes : chinoise, française, communiste. L’identité architecturale de
ce pays est donc un mixe de ces occupations, une réinterprétation populaire. Aussi,
la revendication se situe plutôt du côté de la colonisation du sol par le
peuple, de l’espace urbain, dans son quotidien et ses besoins. La vie se passe
dans la rue. Ce peuple n’a plus besoin de revendiquer, après plus de cent
années successives d’occupations et de guerres, il veut se tourner vers son
développement économique. Pour moi la revendication comme on l’entend en Europe
était plutôt il y a 20-30 ans.
Aujourd’hui
l’Asie a envie d’aller vers quelque chose de beaucoup plus léger, visible
notamment au travers de son espace urbain souvent ludique, voir enfantin, comme
un désir d’aller vers un futur heureux.
Emilie Dartois, architecte membre du collectif BANDAPAR