POINT N°01 : Les citadins rêvent de bon air et de grandes maisons…
Il y a, c’est vrai, des retraités de la ville dont certains
donnent l’impression qu’ils ne savent pas très bien s’ils ont compris ce qu’ils
venaient faire là. Une population bien repérable qui vit à la campagne mais qui
signifie clairement qu’elle ne comprend pas que la campagne n’est pas comme la ville :
sans coq, sans ânes, sans tracteurs, sans chiens, et presque sans bistrots…
mais pas sans tondeuses. Il y a aussi, des gens qui viennent vivre « à la
campagne » ou revivre à la campagne, parce qu’ils ne peuvent pas faire
autrement. Sans compter, les fils de paysans, les enfants du pays, qui
reviennent parce qu’ils ne peuvent ni se loger correctement ailleurs, ni
trouver du travail. Ils reviennent et construisent petitement parce que leur
famille leur cède un petit terrain. Et parce que le maire cède à leur famille
un petit permis de construire. Ces enfants du pays dont on peut se demander
étant donné les maisons qu’ils construisent, s’ils se souviennent qu’ils sont
nés là, et qui ne sont pas du tout en reste de tondeuse et de propreté tirée au
cordeau, de clôtures agressives, de chiens qui défendent « leurs
territoires ».
La géographie historique de la Gironde, un maillage de gros
bourgs, notamment les huit bastides et de petits villages sont désertés, parce
que les logements sont soit trop petits, soit en très mauvais état, soit
carrément malsains. Le reste de l’habitat est dispersé. A la Réole, un bourg de
4 600 habitants, nous avons plus de 400 logements en déshérence. Tandis que les
petits commerces ferment les uns après les autres. La zone commerciale
prolifère à deux kilomètres du centre ville.
Il y a là-dedans, à ce qu’il me semble, très peu de
sentimentalisme ou de nostalgie à l’égard des « territoires
ruraux ». Un pourcentage faible de motivations symboliques. Par
conséquent, il y a des éléments mécaniques, des contraintes concrètes, qui
expliquent cet « attrait » pour la campagne. Il y a des gens qui
aiment la campagne parce qu’ils n’ont pas droit à la ville. Pour moi, les
derniers vrais amoureux de la campagne, ce sont les chasseurs. Un amour
véritable est un amour jaloux et exclusif. Un amour vache.
Comme vous pouvez l’entendre, tout cela est très
économico-sociétalo-politico- territorial.
Ceci est le quotidien d’un élu du coin, qu’il soit d’un gros
bourg, comme moi, ou d’un petit village. La plupart des élus proclament leur
impuissance, mais vous pouvez tout à fait leur en parler, ils ne feront pas les
étonnés, ils joueront aux victimes. Après, c’est à vous de leur apporter une
solution, et de vous battre avec eux.
POINT N°02 : Des solutions et des réponses ?
Je crois que la solution ne se trouve pas dans l’analyse de la
demande. Se gratter la tête pour savoir quelles sont les demandes des
habitants actuels est assez illusoire. Il me semble qu’elle ne peut analyser
que les habitudes de vie et les phantasmes des gens soumis à ce qu’on leur
impose, qu’on leur construit, qu’on leur vend, qu’ils ont toujours vu, et
qu’ils achètent, bien forcés. Je crois que leur imaginaire a été entièrement
structuré et nourri par les produits dessinés et construits à la chaine par
l’industrie du logement, et par l’industrie du territoire.
Je crois que la réponse est dans une politique de l’offre,
mais à condition qu’elle offre soit de grande qualité, qu’elle ne réponde pas à
une demande un peu névrosée, qu’elle analyse en même temps les besoins du
territoire, du paysage, et les vrais besoins des gens qui veulent l’occuper.
Les besoins, dis-je, pas le discours. Cela vous semble brutal, sans doute. Mais
je crois que ces revendications, qui sont la forme moderne, aliénée du
classique une chaumière et un coeur, ne sont que le reflet, la répétition de
l’offre standardisée. Un client vous demande un fronton à colonnes doriques à
côté de la fenêtre des toilettes. Ne me dîtes pas que c’est parce qu’il en a
besoin. On lui fait croire que son statut réclamait un fronton à colonnes
doriques. On lui a montré combien c’était chouette un fronton à colonnes
doriques. Son humiliation sociale en a besoin. Qui doit résister ? Le
maire ? Le promoteur ? L’architecte ?
Quant aux logements « moyen de gamme», quels sentiments produisent
donc aujourd’hui ces «équipements»? En plus du clos et du couvert, quels
réconforts apportent-ils? Quelle envie de s’activer à la campagne? Quel
sentiment de jeunesse? Quelle impulsion? Quelle capacité de résister à la
dépression? Quelle envie de vivre tous ensemble? Et en fin de compte, quelle
envie de résister à la barbarie?
POINT N°03 : Le politique et sa responsabilité.
Cette politique pose questions. La simplification des
collectivités territoriales ne résoudra rien, si elle aboutit seulement à
remettre entre les mains des grands décideurs un outil plus puissant, plus
simple, (Interscot) afin d’appliquer des cadrages plus restrictifs. Plusieurs
effets pervers sont possibles.
Premièrement, les élus continuent de bricoler les PLU, gardant une
marge de liberté, afin de satisfaire leur clientèle. Et nous ne croyons pas que réduire le
nombre des élus assurera la victoire du rationnel. Il pourrait s’établir une
bourse aux faveurs dans les inter-communalités.
Deuxièmement, ces implantations privées dans des toutes petites
parcelles continueront. L’appréciation du foncier agricole arrivera trop tard.
On n’arrêtera pas la demande par le chômage. Il ne faut pas beaucoup de
maisons, misérables, ou ostentatoires, pour défigurer ou empoisonner un bourg.
Vingt, trente suffisent.
On pourra ainsi, en conclusion devant
cette menace, se demander si un territoire cohérent comme l’Entre-Deux Mers n’a
pas de nouveau besoin. Comme dans les siècles passés, il aurait besoin d’une
conception globale, d’un nouveau système d’urbanisme et d’une architecture
cohérente et réussie, fonctionnelle, pour la nouvelle démographie, la nouvelle
sociologie, et la nouvelle économie! Autrement dit un tout nouveau
vernaculaire.
En disant cela, un « yaka, fauqu’on », je ne m’adresse
pas seulement aux architectes, des praticiens qui ne peuvent se contenter
d’obéir et d’exécuter une politique, je m’adresse à des citoyens.
Bruno
Marty –
Adjoint à l’enfance/jeunesse, vie scolaire
et NTIC, ville de La Réole