lundi 25 mars 2013

Quelles alternatives à l’apprentissage de l’architecture ?

Qu’est-ce que l’apprentissage de l’architecture ?
Culture et approfondissement d’un regard ou mise en théories d’une discipline ?
Doit on apprendre « l’architecture » ou « de l’architecture » ?
Fillette - Marie-Amélie Clément Bollée


En s’essayant à la pratique architecturale ou en se confrontant au domaine de l’architecture, on s’aperçoit, malgré l’approche sensible que tout un chacun peut ressentir au travers d’un lieu, d’un espace ou d’une perception, que le domaine de l’architecture est réservé à une culture d’Initiés.

Du Moyen Age jusqu’au 17ème siècle, l’architecture ne se dissocie pas de la peinture ou encore de la sculpture laissant peu de distances entre art et technique. Le domaine de l’art ne s’enseigne pas, il se transmet de maître à élève.

Il faut attendre 1671 pour que Colbert, surintendant du roi Louis XIV, crée l’Académie d’Architecture. Cette étape marque profondément les transformations du métier d’architecte, puisqu’elle institutionnalise une formation, et contribue ainsi à la naissance d’une nouvelle profession libérale. Dès lors, une quarantaine de membres ont le droit de former une école. Chacun d’entre eux peut disposer d’un élève. Cette Communauté permet d’organiser des cours structurés autour de deux ou trois matières : Histoire, Construction, Composition Architecturale. En plus de ces leçons magistrales, chaque élève est réparti par « Atelier d’artiste » : à cette époque on choisit un maître et suit son travail pour se former.

La Révolution Française met fin à cet enseignement. Cependant, l’Etat reconnaît l’utilité des cours et des ateliers mais se questionne sur le fond de l’enseignement. Dès lors, on estime que le savoir ne suffit plus pour enseigner, les méthodes d’échanges et de questionnements ne suffisent plus à créer un enseignement de qualité : la notion de pédagogie et d’engagement des professionnels conduisent à créer en 1795 l’Ecole Spéciale des Arts (ancêtre de l’Ecole des Beaux Arts). Ainsi nos prédécesseurs suivent des cours d’Histoire (privilégiant les périodes considérées comme les plus hautes : antiquité, renaissance italienne …), de théorie, de construction mais aussi de perspective. Le système d’Atelier persistera jusqu’à la fin des années soixante.

Dès 1966, l’architecte Bernard Huet, crée un « atelier collégiale » sorte d’expérience qui fait exploser le système des Beaux Arts qu’il considère comme sclérosé notamment par le manque de culture des architectes qui y enseignent (les voyages architecturaux difficiles à mettre en place et les discussions intellectuelles relevant du débat sont quasi inexistants au sein des études, de plus, l’importance graphique du rendu surpasse bien souvent son contenu).

En 1969 est créée, sous l’influence de Huet, la première « école » d’architecture appelée Unité Pédagogique n°8 (UP8, actuelle Paris Belleville). Dans ce nouvel établissement public, on y prône un enseignement basé sur la progressivité où la production architecturale est présentée comme l’un des éléments fondateur de la culture de l’architecte.

Descendant d’une formation élitiste dispensée à l’école des Beaux Arts, la discipline de l’architecture n’est plus considérée comme une « simple » reproduction de modèles, il n’est désormais plus question de former les étudiants au « bon gout ». L’architecture étant considérée comme «d' Intérêt Public », on comprend mieux pourquoi la formation est en perpétuel mouvement et suscite de nombreux questionnements et positions. Nous pouvons citer la réforme LMD (licence, master, doctorat) qui reste la transformation la plus importante de ces dernières années.

Afin de faciliter les échanges et les passerelles entre les écoles et les différentes formations universitaires, le système de la licence, du master et du doctorat a été adopté pour constituer la nouvelle structure de la formation de l’architecte. Mais quels impacts a cette nouvelle organisation/répartition/éducation ?
Avec plus de matières et plus de théories n’a-t-on pas tendance à véhiculer un enseignement plus généraliste, plus large, redéfinissant complètement la notion et la nature même du métier d’architecte ?

Quelles alternatives à l’apprentissage de l’architecture ?

Le métier d’architecte, parlons en… la formation vise-t-elle encore à ne former que des architectes ? La formation est longue, les débats divers et variés et une question se pose : qu’est-ce que le métier d’architecte ? Pendant les études, les visions s’éclaircissent, les intérêts divergent, la maîtrise d’oeuvre reste bien loin (actuellement une formation complémentaire HMONP), elle est difficile à intégrer car complexe à comprend hors situation réelle.
L’enseignement actuel de l’architecture déstructure-t-il la profession et le titre d’architecte ?
Dans un enseignement où la recherche constitue de plus en plus le corps enseignant, il est logique de se poser la question du savoir-faire. Le praticien est-il définitivement exclu ?
Existe-t-il une dévalorisation d’un Savoir Faire parfois difficile à théoriser ? Il semble que l’enseignement ne se situe plus dans l’apprentissage d’un savoir-faire mais dans la définition du savoir-penser. En effet, l’apprentissage ne valorise-t-il pas une capacité à comprendre plutôt qu’un savoir unique ? La question du savoir-penser devient-elle plus importante que le savoir faire ?

On comprend que la Théorie  a un rapport consubstantiel dans le domaine de l’architecture mais n’a-t-on pas tendance à tout théoriser ainsi qu’à formaliser n’importe quel discours ? Face à ces questionnements, on s’aperçoit que l’enseignement « obligatoire/ académique » ne suffit plus à une formation où l’on s’éloigne de plus en plus des pratiques professionnelles.

Alors, avons-nous besoin d’alternatives et dans quelles mesures devons-nous personnellement ou collectivement faire entrer en synergie ces nouveaux apprentissages afin de constituer le savoir singulier qui caractérise la profession « d’architecte » alliant sensibilité et intelligibilité, science et expérience, réalité et idéal ?

Vision bien loin de la définition de la puissance de l’architecture définie par Nietzsche dans Le
crépuscule des idoles (1888) :
« Le plus haut sentiment de puissance et d'assurance s'exprime dans toute oeuvre de grand style. La puissance qui n'a pas besoin de preuves, qui se moque de plaire, qui n'a pas la réponse aisée, qui ne sent pas de témoins autour d'elle, qui vit sans même prendre conscience des oppositions qu'elle suscite, qui repose en soi, fataliste, loi parmi les lois, c'est cela le grand style qui parle de lui même.»

Sebastien Lequeux, Architecte