mercredi 18 avril 2012

Débaobab 01 - Pour une ville incertaine - Stéphane Hirshberger

Alors que partout dans la société la volonté de participer, de créer, d’innover se manifeste chez les citoyens, que des pans entiers de l’économie se développent autour d’une plus grande proximité, d’initiatives plus ouvertes, alors que le mouvement des "Indignados" en Espagne, l' Emergence d'"Occupy Wall Street" aux Etats-Unis montrent l'attente d'une autre démocratie, la ville continue à être produite comme une œuvre, composée et figée.

ADH - Nantes - Espace Public - Quartier des Fonderies


La ville d’aujourd’hui reste encore le fruit d’une vision de quelques uns qui, à quelques exceptions près, poursuivent l’idée qu’elle est d’abord une projection aboutie d’une idée préalable, dessinée puis modélisée et enfin réalisée. Comment s’étonner alors que même avec tout l’Accompagnement du monde, avec toutes les concertations possibles, cette ville, même habitée, reste souvent étrangère à ceux qui y vivent ?

 Les Modes Opératoires dont nous disposons pour réaliser nos quartiers sont nombreux mais restent dans des frontières balisées. La production de la ville reste aujourd’hui déléguée à des experts (urbanistes, architectes, techniciens, opérateurs privés et publics) qui poursuivent, malgré eux mais sans la remettre en cause, une culture héritée, prudente et convenue. Fondée sur des logiques de prévisions et de précautions, comme si la ville était une marionnette qu’on manipule.

Les nouveaux quartiers construits ou rénovés restent souvent froids, avec peu de commerces et d’activités, sans vie, sans emplois. Plus chics certes, plus design, plus '' hype '' avec les matériaux qu’il faut, l’architecture qu’il faut. Alors pourquoi cette incapacité de notre société à faire vivre pleinement la ville au-delà des '' terres connues'' ? Arrivant de Sète aujourd'hui, Georges Brassens trouverait-il encore une impasse Florimond avec Jeanne, son perroquet et ses chats?

Il nous faut penser une Ville Incertaine, qui n'est pas achevée, qui n'est pas fabriquée comme un puzzle habituel à partir de morceaux assemblés mais comme le fruit d’un processus partagé, d’un échange de tous, des experts aux citoyens, des politiques aux architectes.

 La question se pose d’une ville partagée qui n'est pas seulement le support d'activités économiques, ni l'assemblage d'opportunités foncières. La ville, c'est la vie même d'une société, l'image de son projet social en action, en fabrication. La jeunesse ne veut plus d'une ville en coupe réglée, sans "tête qui dépasse", un espace urbain corseté qui freine les dynamiques; elle aspire à des espaces ouverts qu'elle pourrait investir comme elle investit le champ social d'internet. Une ville où '' l’aventure est au coin de la rue ''. L'aventure de faire ensemble.

Évidemment, ce dont nous parlons implique de moins contrôler, de moins prévoir, mais à force de la vouloir trop apprêtée, trop efficace, de la vouloir belle et impeccable comme une œuvre d’art et huilée comme une machine, la ville s’immobilise et se durcit. Ce que nous devons tous imaginer, c’est une Ville Choisie plutôt que subie et consommée, une ville que nous pouvons construire, à laquelle nous participons, qui est l’expression du vivre ensemble. Elle sera alors véritablement vivante et durable parce qu’un peu à nous, un peu de nous.

Nous rêvons d’une ville ouverte

Stéphane Hirshberger
Architecte - ADH