samedi 5 mai 2012

Faux Semblants

Le titre provocateur "Image, Mensonge et Fantasme" donné pour le troisième cycle des BAOBAB Cafés est vite tombé: il n'y a pas d'images sans faux semblants. Quand il a été proposé, nous avions en tête les centaines de projets dont nous sommes abreuvés à travers magazines, sites, blogs, newsletters, conférences, publications et vidéos et dont la Prolifération semble être une constante de l'ère numérique.


Source: Plataforma Arquitectura, Agence VYONYX


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Ce flot d'images parfois réalistes, parfois truquées, souvent embellies mets parfois mal à l'aise en réveillant la méfiance issue d'une surexposition à la Publicité et au marketing. Dans ces conditions comment ne pas comparer la communication d'architecture à celle d'un produit ? La position de l'architecte semble ambiguë car son éthique se confronte à un système de production contraint issue d'un modèle économique qu'il ne cautionne pas forcément.  Il faut pourtant reconnaître que d'autres professions sont concernées par les contraintes d'un format d'expression ou confrontées au défi d'exister dans un paysage médiatique concurrentiel.

Sous ces pressions, l'architecture n'aurait-elle pas changé de Statut, passant d'objet culturel à celui d'objet de consommation ? ''L'effet Bilbao'',c'est à dire l'utilisation de l'impact médiatique d'un projet pour lui donner une légitimité formelle et justifiant parfois le recours à des architectures "bruyantes" nous y fait penser.. (Denver Art Museum - Daniel Libeskind) Dans ce système, "l'image" renvoyée par le bâtiment serait aussi importante que le bâtiment en lui- même. Et le recours à des architectes-stars serait une sorte de caution qui rendrait une architecture exceptionnelle acceptable. La durée de vie d'une architecture se réduirait-elle à la permanence de son impact sur nos mémoires et de sa visibilité dans les médias ?

Peut-être internet impose-t-il une nouvelle Temporalité ? Nous aurions accès à de plus en plus de projets, tout aussi vite oubliés. A bien y penser, combien d'édifices ont-ils rejoints le cimetière de nos mémoires et combien sont ceux à nous avoir vraiment touchés ? Voici quelques axes de réponse apparus au cours de la discussion pour essayer de comprendre: quelle place l'image peut tenir dans le champs de l'architecture aujourd'hui.

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L'image, formidable outil de médiatisation marque par sa force et son caractère, elle facilite la compréhension et la communication du projet. Elle rends accessible une vision en trois dimensions en synthétisant la façade, la coupe, le plan. Dans un même temps elle nous éloigne de ces documents techniques qui conservent leur pertinence. Une des forces de l'image comme vecteur principal du projet serait donc d'ouvrir au grand public une discipline spécialisée.

Cette nouvelle donne oblige l'architecte à clarifier son propos, ses intentions, sa philosophie s'il ne veut pas que la forme d'Expression l'emporte sur le sens de son discours. L'image au sens large relève donc d'une opportunité pour ceux qui sauront l'utiliser. Dans ce sens, si l'image rend plus accessible l'architecture, sa production est rendue plus accessible grâce à de nouveaux outils. Ceux qui s'en saisissent marquent les esprits par des réalisations plus ou moins virtuelles (Nox), et produire l'image devient autrement plus accessible que la construction physique de l'édifice ! L'image porte le projet au long du processus d'élaboration. Elle supporte l'espoir de voir le projet se construire un jour. Toute une tradition de "l'architecture de papier" de Etienne Louis Boullée à Fritz Lang se retrouve ici et l’essor d'internet apporte une nouvelle dimension à sa diffusion. (Voir les vidéos de Bertrand Benoit).

D'ailleurs, internet a besoin de l'image à la fois parce que la publicité est à la base de son modèle économique mais aussi parce qu'elle rend son environnement Attractif. Web magazines et autres blogs spécialisés sur les questions d'architectures sont dans la même logique de renouvellement perpétuel de leur offre visuelle. Et nous pouvons supposer qu'un tel système favorise la sur-représentation d'architectures sensationnelles dont les dernières tours de MVRDV à Séoul en sont l'exemple. 

Une donnée centrale est que l'image doit plaire ou tout du moins surprendre; et à travers elle l'architecte cherche à toucher les sens. (Concours de Big en Alaska) Il faut donc faire appel à des travailleurs spécialisés pour les réaliser comme les graphistes ou les web designers. Et quand de jeunes architectes se saisissent de ces outils pour financer leurs activités d'architectures, ils développent du même coup un Avantage concurrentiel indéniable.

Voici quelques types d'images que nous avons distingué dans la production actuelle, vous en trouverez d'autres et le sujet mérite une étude comparative approfondie mais souvent, image et architecture se fondent en une évocation, une ambiance, un rêve qui laisse au spectateur le loisir d'imaginer ce qui lui convient comme ici dans une image de l'agence Juraj Talcik.

Source: Plataforma Arquitectura, Juraj Talcik
Dans d'autres cas, comme dans ce travail de MOTYW, le réalisme est tel que les éléments virtuels disparaissent . 

Source: Plataforma Arquitectura, Atelier MOTYW
 Une troisième posture singulière utilise des procédés narratifs comme l'humour ou la surprise à la manière de cette production de Dbox qui donne à penser que l'espace représenté serait adapté à la vie des enfants grâce à un décalage des repères habituels et une note d'humour.

Source: Plataforma Arquitectura,Agence Dbox

 Par ailleurs, les images portent des débats propres à l'architecture; parmi eux on trouve le besoin de "coller" à la réalité ou l'envie d'exprimer les contraintes dites "naturelles" (la gravité, la lumière, les matières ...) Elles véhiculent aussi des postures sociales et politiques que les documents "techniques" laissent difficilement Transparaître. Elles peuvent, au delà du sensationnel, jouer un rôle central dans un discours critique éventuel en offrant un immense panel de signes.

L'utilisation de l'image en architecture supporterait donc trois objectifs essentiels: convaincre, séduire et transmettre. Entre ethos et pathos, il ne faudrait pas que l'architecture s'égare et son Message se perde. Pour cela, encore faudrait-il que nous apprenions à lire les signes de cette Guerre du Faux [1] dont nous ne percevons que la surface. Ce serait alors l'occasion de parler d'architecture autrement qu'à partir d'images. 

Il rester à étudier l'impact sur le processus de projet et sur l'objet architectural d'une "image" devenue omniprésente. Car ne soyons donc pas dupe, s'arrêter à l'image ce serait oublier l'architecture


Sur la base des Baobab Cafés,
Vincent Milla
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 [1] Ouvrage d'Umberto Eco, La Guerre du faux, Grasset, 2008