Friche
and Cheap est né de la rencontre entre trois étudiants en paysage et de la
volonté de partager une vision hybride et positive du paysage urbain.
Aujourd’hui, c’est un groupe transdisciplinaire qui rassemble, au gré des
projets, des étudiants en paysage et en architecture, une architecte, un
ingénieur agronome, des animateurs sociaux, des artistes. La forme associative
choisie en septembre 2009 offre une visibilité nous permettant de mettre en
œuvre la rencontre entre les institutions de la ville, les concepteurs et les
savoirs-faires individuels.
Friche du Noviciat - Bordeaux |
Notre travail se fonde sur une
observation de la ville et de ses dynamiques en tant que véritable paysage dont
nous cherchons à faire émerger le caractère et la singularité. Nous intervenons
à différentes échelles, menant des actions participatives visant à l’Occupation
et la réappropriation des lieux abandonnés, des friches urbaines mais aussi de
l'espace public par les habitants car nous considérons que ce qui fait les
lieux ce sont aussi les gens qui les côtoient et les pratiquent.
L’espace
Travailler la terre de son
quartier c’est participer à la constitution du caractère personnel et
singulièr du lieu que l’on habite. C’est aussi le moyen de partager un même
sol, mais aussi les savoirs et l’identité de son quartier.
Au même titre que l’espace, les
habitants constituent une matière vive qui construit le lieu. Ils sont au
centre du Processus d’intervention, ils sont à la fois l’outil, l’objet et les
bénéficiaires du projet. Le travail de Friche and Cheap, à mi chemin entre la
pédagogie et la conception, tend à favoriser la rencontre entre ceux qui font
la ville et ceux qui la pratiquent. Les interventions cherchent à faire émerger
chez tous les désirs d’un lieu.
Le temps
Notre travail s’inscrit dans
deux types de temporalités : le temps de l’action et le temps du végétal.
Le temps de l’intervention,
c’est celui de la focalisation sur un lieu dans un cadre temporel précis, ayant
un début et une fin. Les délaissés urbains sont des espaces en sursis,
temporairement sans affectation. Ce temps d'inaction devient un moment de Liberté de réinvention de ces espaces. Nous profitons de cette ''anomalie'' dans le processus de développement urbain un temps de
rencontre avec les personnes qui cohabitent et pratiquent ce lieu, c’est le
moment où une occasion est donnée au site d’être révélé par et pour chacun
d’eux.
Le temps du végétal c’est celui
du cycle de croissance des végétaux, du rythme des saisons, de la prise de
conscience de la capacité du végétal à transformer un lieu de façon temporaire
ou durable, cyclique, évènementielle ou progressive.
Le végétal
Nos interventions donne une
grande part au végétal car il participe de l’identité des lieux d’un point de
vue écologique mais témoigne également de leur histoire et des pratiques qui
les ont marqués. Le végétal prend part à la construction du paysage urbain et à
la perception de l’espace de la ville. Par ailleurs, les préoccupations
actuelles qui mettent en évidence la responsabilité du développement des
sociétés humaines vis à vis des causes du déséquilibre écologique amène à
repenser la façon de fabriquer la ville. Friche and Cheap se positionne dans
cette nouvelle vision de la ville, où le sol, la végétation, la faune et l'eau
font partie intégrante du système urbain.
En
considérant la ville dans ses dimensions temporelles, sociales, écologiques et
esthétiques, nous cherchons à amener à une transformation de l’espace urbain au
travers de deux types d'actions:
L'intervention sur les friches
urbaines : ces vides, ces creux ne sont pas uniquement ce qu’il reste après la
construction, ils représentent souvent une Identité parallèle du quartier dans
lequel ils se trouvent. Nous cherchons à réintroduire ces lieux dans leur
environnement en amenant les habitants à se les réapproprier par le biais du
jardinage.
L'intervention sur l'espace
public : il constitue un vecteur fondamental dans l'appréhension de la ville,
pour celui qui l'habite ou la parcourt. En complémentarité avec les usages
qu'il engendre déjà, de nouvelles pratiques de cet espace peuvent être
envisagées permettant de favoriser l'implication des riverains sur leur
environnement direct. Il s’agit là essentiellement de parvenir à faire
cohabiter dynamiques collectives d’appropriation et usages publics.
Lieu collectif
Le processus perpétuel de
renouvellement de la ville, entre conservation, métamorphose, démolition ou
abandon, laisse à tout instant et sur des temps inconstants, des espaces
délaissés. Quelle que soit la raison de leur existence, la ville peut
transformer ces espaces en Transition en véritables avantages. Négligés par
ceux qui font la ville, ces espaces deviennent, pour un temps donné, supports à
la projection des idées les plus singulières et les plus personnelles de ceux
qui les côtoient.
A la rencontre de la ville et de
ses habitants, nous tentons de remettre ces petites disponibilités au service
des dynamiques sociales et de la vie des quartiers : construire collectivement
un lieu permettant à tous d'être chez soi dehors. Il s'agit de redonner aux
riverains la possibilité de transformer leur cadre de vie, de redonner à la
ville une dimension personnelle par une action concrète sur l'aménagement des
espaces de proximité, sur son paysage quotidien
Ces friches sont par ailleurs
spontanément le lieu de l'expression d'une forme de vie urbaine atypique et
souvent oubliée, celle de la nature au travers de la reconquête du végétal dans
l'emprise minérale et stérile qu'est la ville. Reconstitution d'un sol vivant,
d’une vie végétale et animale spontanée, la friche urbaine profite de son
isolement, en rupture avec l’univers contrôlé de la ville.
Remettre en lien les cycles
naturels, la ville et ses populations est au cœur de nos objectifs. La friche
occupée se Transforme en jardin de quartier où l'habitant retrouve le contact
du sol, du développement des végétaux qu'il plante et qu'il soigne, du rythme
des saisons, du plaisir d'être ensemble dehors. Cette faille dans le système
urbain devient une pause essentielle dans le
développement de la ville, laissant la liberté
aux habitants d'un quartier de s'exprimer. Ces jardins urbains ne sont pas
figés dans la ville mais apparaissent le temps d'un désir ou d'une volonté locale
et disparaissent quand ils ne sont plus pratiqués.
En attendant, ces espaces
anciennement inoccupés peuvent devenir un véritable lieu collectif, expression
de l'identité et de la singularité de chaque quartier. Ils participent ainsi au
renouvellement de la ville, à l'originalité des quartiers qui la composent.
Nous proposons d'encourager ces dynamiques d'appropriation par l'encadrement et
l'accompagnement des habitants pour le réinvestissement de la ville.
Espace public
Aujourd’hui, le paysage représente
un véritable objet de désir et constitue un outil fédérateur pour intervenir
sur l’espace public urbain.
Fortement connotée, la notion de
paysage en ville est essentiellement liée à la présence du végétal. Friche and
Cheap s’inscrit dans une vision écologique de la ville où le végétal, le bâti
et les habitants sont pensés comme un ensemble cohérent. En ville, le végétal
se cantonne trop souvent à des cœurs d’îlots privés, il est peu présent dans
l’espace public. L’agencement de la végétation plantée en ville reste encore
empreint de notions essentiellement esthétiques ne laissant que peu de place à
l’appropriation individuelle. Le végétal – au même titre que le bâti participe
de la diversité de la ville – garantie la biodiversité urbaine. Celle-ci
est plus importante que dans les espaces agricoles notamment grâce à la
présence d’une flore urbaine spontanée. Cette végétation constitue un vecteur
d’identification et un moyen d'appropriation de l’espace public par les
habitants. Nous réalisons un travail de sensibilisation à la flore urbaine qui
offre aux habitants un moyen d’intervention sur leurs espaces quotidiens.
L’appropriation de l’espace public entraîne un meilleur respect de cet espace
partagé, la création d’un réseau de voisinage construit autour du jardinage
partagé et autour d’un petit Patrimoine Collectif doté d’une valeur
personnelle. Nous cherchons à placer les habitants au centre de l’intervention
sur l’espace public.
Cette intervention de plantation
participative profite des anfractuosités, des irrégularités, des failles, des
micro-délaissés que l’on trouve dans l’espace public, au sol et sur les murs.
Le végétal transforme le paysage du quartier, compose pour une saison avec les
imperfections. Ce type d’intervention participative se veut être à la fois
légère dans sa mise en œuvre, dans son impact physique sur l’espace public, en
ne constituant qu’un complément à la structure urbaine en place, mais aussi
très significative pour l’écosystème urbain, pour son effet visuel et sa valeur
symbolique.
Ce type d’intervention sur
l’espace public s’inscrit dans une logique urbaine d’ensemble, en initiant à
l’échelle de l’individu la constitution de réseaux biologiques plus vastes, qui
garantiront l’inscription de l’espace urbain dans un éco système global.
Méthodologie
Friche and Cheap se positionne
comme une structure amenant à l’émergence de projets urbains. Si nous
travaillons à la participation de tous dans le Processus de fabrication de la
ville, nous ne sommes pas des animateurs sociaux. Nous considérons qu’il est
nécessaire de rassembler autour d’une même action, différents acteurs en
fonction de leur spécialité.
Nous avons ainsi élaboré une
méthodologie pour la mise en place de projet partagé en septembre 2010 avec
l’association les Jardins d’Aujourd’hui, structure pionnière à Bordeaux en ce
qui concerne l’animation et la gestion de jardins collectifs.
Tout projet partagé s’organise
sur la mise en relation de trois groupes distincts : les décideurs
(services d’urbanisme, services sociaux, élus, administratifs) qui sont
également les financeurs du projet ; les habitants (individuel, groupe
constitué, association de quartier) qui sont les bénéficiaires du projet ;
et les accompagnateurs (groupe mixte mêlant d’une part concepteurs, professionnels
projeteurs et d’autres part animateurs, professionnels de l’encadrement et de
la pédagogie autour du jardinage) qui sont les intermédiaires essentiels entre
les décideurs et les habitants
Le projet s'élabore en quatre
temps : le temps #0 est celui de l’idée du jardin, il émane d’une demande
pouvant provenir indifféremment d’un des trois groupes d’acteurs identifiés
(décideurs, habitants, accompagnateurs) ; le temps #1 est celui de la
concertation au cours duquel sont identifiés les acteurs, où se constitue un
groupe de porteurs de projet, où le projet lui-même est élaboré et validé au
cours de débats publics ; le temps #2 est celui de la
conception-réalisation au cours duquel le jardin se matérialise en fonction de
différentes phases de travail collectif (de l’esquisse à la réalisation) où les
concepteurs-accompagnateurs sont forces de propositions et d’encadrement en
apportant aux habitants leur expertise sur l’espace. La phase de chantier qui
peut être réalisée en marché public, en régie ou encore en auto-construction,
est aussi le moment où les habitants peuvent s’investir physiquement dans le
projet au cours de différents évènements fédérateurs (fêtes, ateliers de
construction, réunions) ; le temps #3 enfin, est celui de l’accompagnement qui
fixe les règles de vie du jardin, son programme pédagogique et technique, les
relations à ses partenaires. Il détermine le degré et la Progressivité de
l’autonomisation du jardin. Ces différents temps sont régis par des contrats
entre les trois groupes identifiés qui fixent les principes et les objectifs du
projet et garantissent la capacité évolutive et modulable du lieu créé.
Cette méthodologie est un
document de base qui est voué à évoluer et à s’adapter en fonction des
situations particulières de chacun des lieux sur lesquels naissent les projets.
Elle permet avant tout de mettre en lumière la nécessité du travail en réseau –
mêlant les disciplines, les institutions, les professionnels et les individus –
condition essentielle pour la fabrication d’espaces partagés en ville.
Raphäel
Leitao, Aurélien Ramos, Delphine Willis