lundi 25 mars 2013

Pluridisciplinarité ou l’avènement de l’architecte






L’architecture en elle-même regroupe différentes Disciplines. Enseignement singulier où l’étudiant doit tout réapprendre, cet apprentissage se situe entre le système des grandes écoles, et les modèles universitaire et professionnel. Il a pour objectif de former des « ingénieurs spatiaux », terme en lui-même ambigüe qui révèle la multiplicité des facettes de l’architecte, à la fois artiste, technicien, et scientifique.


répartition des écoles d'architecture en france
Au cours des grandes périodes de l’enseignement de l’architecture, la notion de Pluridisciplinarité a fortement évolué mettant en avant une ou plusieurs dimensions de l’architecture. Durant la période de l’Académie (1671-1863) la pluridisciplinarité était quasi absente. L’architecture s’enseignait de manière globale. Ce n’est qu’au cours de la période Beaux-arts (183-1968) qu’elle apparaît. L’enseignement s’ouvre aux techniciens multipliant les disciplines scientifiques (mathématiques, construction et applications sur les chantiers…).

Mais la période charnière de cette Multidisciplinarité est celle des unités d’enseignement (1968-2005). L’éclatement des Beaux Arts en 21 écoles appelées unités pédagogiques va permettre à chaque établissement de se spécialiser à l’aide des matières de son choix. Ainsi de nouvelles disciplines se mettent en place pour pallier au rejet de la théorie. C’est l’apparition de l’urbanisme, l’intégration des sciences humaines et le développement de l’histoire. L’architecture longtemps considérée pour un aspect seulement esthétique, va prendre une dimension éthique et scientifique. Cependant cette parcellisation du cadre théorique va entrainer un assèchement du projet d’architecture, souvent au profit du projet urbain.

Depuis la création des unités pédagogiques, les écoles affichent clairement leurs spécialisations. Par exemple Paris-Belleville ou Marseille tendent  vers la recherche, Clermont-Ferrand et Grenoble vers la technique Bordeaux vers le paysage et l’urbanisme… Ce panel permet déjà à l’étudiant de choisir une orientation selon l’école vers laquelle il se dirige.  Depuis 2005, le système LiMaDo a adapté le modèle universitaire aux écoles d’architecture. On ne parle plus de pluridisciplinarité mais d’Interdisciplinarité. On observe une diminution du taux horaire des disciplines enseignées pour un retour au projet. Les différents enseignements participent donc directement à l’atelier de projet. Ainsi des enseignants urbanistes, ingénieurs, paysagistes et même sociologues se voient intégrés à l’atelier de projet apportant des visions nouvelles.

L’enseignement de type universitaire tente également d’amener de nouvelles disciplines et de lier des interdisciplinarités telles que l’architecture et l’ingénierie, l’architecture et le paysage… Ces nombreuses ouvertures sont de nouveaux moyens d’aborder le projet, de nouveaux angles d’attaque pour la mise en place des concepts. Ainsi, avec ses regards différents, les étudiants créent leur propre manière de concevoir l’architecture en fonction de leurs préoccupations personnelles. De nombreux enseignants disent aux étudiants de se « lâcher » lors des projets d’écoles car ils n’en auront pas tous l’occasion au cours de la pratique professionnelle. Je pense que la pluridisciplinarité et l’interdisciplinarité sont des moyens de se construire, de Réinventer pour chacun le métier d’architecte pour leur permettre de s’individualiser et donc de s’épanouir dans la pratique professionnelle. Néanmoins, l’enseignement dispensé dans les écoles doit rester une formation d’architecture. Les étudiants doivent acquérir des bases théoriques et méthodologiques propres à la conception du projet. Aussi, peut-on se demander si la pluridisciplinarité « à la carte » comme elle existe dans certaines ENSA doit être mise en place dès la première année ?

De plus, malgré la présence dans chaque école d’ateliers, de studio ou de domaines aux préoccupations disciplinaires divergentes, les spécialisations au sein de la pratique professionnelle restent floues. Les élèves sont peu informés des formations post-diplôme. Après cinq ans d’études et des spécialisations dans différents domaines beaucoup désirent un travail différent de celui de l’agence. Il semble important que la régulation avec le système universitaire permette d’afficher clairement les passerelles possibles avec un diplôme d’architecte. Les écoles, également très marquées par leurs particularités disciplinaires ne communiquent qu’en petits groupes souvent dus à la proximité géographique. La Clarification des potentiels de chaque école permettrait une vraie liberté de choix pour les étudiants.


Un débat permanent anime les enseignants chercheurs et les enseignants praticiens. Les premiers souhaitent ouvrir les écoles d’architecture au plus grand nombre et donner plus de place aux disciplines universitaires. Les seconds envisagent au contraire une réduction des effectifs pour favoriser l’enseignement du projet. Mais ne peut-on pas, laisser les étudiants Choisir leur propre chemin disciplinaire? Depuis les années 60, le nombre d’étudiants n’a cessé d’augmenter. Alors qu’avec la reconstruction et l’ouverture du marché des logements sociaux aux architectes les jeunes diplômés trouvaient facilement un emploi;  aujourd’hui le marché du travail est saturé. Face aux universités, les écoles d’architecture ont un taux de réussite plus important et un taux d’abandon plus faible. Malgré une ouverture disciplinaire affirmée, l’entrée dans le système universitaire doit savoir conserver les atouts d’une formation professionnelle

Marine Tixier
Doctorante en architecture à l'ENSAP Bordeaux
Laboratoire PAVE