Le
mois dernier, deux Conférences radicalement différentes se sont
déroulées ici à Bordeaux. L’une était celle des architectes Nathalie
Franck et Yves Ballot, l’autre celle de Winy Maas de l’agence MVRDV. La
comparaison entre ces architectes ne semble pas forcément évidente ; les
deux agences ne concourent pas vraiment sur la même échelle de projets
et ne connaissent pas la même médiatisation. Mais surtout, allant
au-delà de la posture traditionnelle de l’architecte pour adopter celle
du communiquant, deux visions très différentes de la manière de faire du
projet S'opposent. Et cette opposition m’a paru assez symptomatique
(révélatrice) des débats et des différents courants d’idées qui animent
le monde de l’architecture.
Lors de sa conférence, Winy Maas de MVRDV a longuement évoqué sa conception de l’Europe. Il a replacé son travail dans une actualité débordant du cadre de l’architecture, dépassant par là le rôle de l’architecte ou du moins l’ouvrant à d’autres disciplines. En cela, on pourrait le comparer à Rem Koolhaas* dont le travail abolit les frontières entre les différents domaines de pensées, les différentes formes de conception comme l’écriture et l’architecture. A moins qu’il ne convoque au service de son travail ces différentes disciplines.
Winy Maas a ensuite abordé ou plutôt évoqué le projet urbain Bastide-Niel. Sa proposition pour la ville de Bordeaux et sa manière de voir la ville d’aujourd’hui (qu’elle soit ou non européenne!) semble extrêmement intéressante. Mais, son discours soulève des interrogations (d’ordre éthiques ?) sur sa manière de communiquer le projet. Cette Conférence-débat avait été organisée pour présenter le projet à un parterre de bordelais et non à un public d’architectes ou d’étudiants. Son propos aurait-il été différent si il avait fait cette conférence dans une école d’architecture ? Sa présentation est en effet apparue comme une certaine simplification de son travail. Une simplification à vocation pédagogique ? Il s’agirait plutôt de Vulgarisation. Il est vrai que le public convoqué était composé essentiellement de non-spécialistes et on peut penser que le discours devait être adapté à cet auditoire. Mais, là où cette vulgarisation atteint ses limites, c’est lorsqu’il semble communiquer comme il a conçut le projet. L’architecte d’MVRDV nous a présenté un défilé d’images 3D axonométriques montrant les différentes étapes de son processus de conception, jusqu’au… produit fini ! Mais, a t-il réellement pensé, imaginé et conçut le projet de cette façon ?
La
tradition anglo-saxonne apparaitrait moins " instinctive ", " sensible " (qui fait appel aux sens) que la culture de projet
française. Ainsi, lors de leur conférence, Y. Ballot et N. Franck ** ont
présenté leurs différents projets de la manière dont ils les conçoivent.
Ils ont présenté des photos de maquettes d’études et des croquis,
montrant des espaces simplement esquissés et ne dissimulant alors rien
des différentes étapes nécessaires à la construction d’un projet. Ces
allers retours successifs et ces voies sans-issues que l’on emprunte
parfois. Le projet fini n’étant alors qu’une étape de plus dans le
processus de gestation d’une architecture.
Ils
ne nous ont rien caché des « coulisses ». Dévoilant les rouages de
conception d’un projet, ils rendent à l’architecture un statut qui va
au-delà du produit commercial et de la démarche Marketing. ***
Là
où l’on enseigne le projet comme un processus itératif dans les écoles
d’architecture de l’Hexagone, la version anglo-saxonne semblerait
découler d’un processus plus linéaire. Le diagramme semblerait alors en
être un des outils de prédilection. Winy Maas, s’inscrivant dans cette
tradition, développe les différentes « couches » qui composent son
projet de l’occupation du sol avec une certaine recherche de mixité
fonctionnelle au travail sur la ventilation naturelle ou la gestion du
cycle de l’eau. Les notions abordées ainsi que les problématiques
soulevées restent passionnantes. Mais, de la Kasbah à l’ilot, en passant
par la création " d’espaces de poches ", W.M opère un mélange des
genres. Comme si il suffisait de superposer les calques pour aboutir à
un projet urbain cohérent. L’architecte nous expose son projet comme une
recette qu’il suffirait d’appliquer ! Le produit ainsi réalisé nous est
ensuite " vendu ".
Comme
un fil conducteur à sa présentation mais surtout à son travail, Winy
Maas exprime l’importance que revêt pour lui cette dimension européenne.
Il nous vend une conception de la ville à l’européenne pour un quartier
qu’il veut résolument bordelais. Comment cette contradiction va se
traduire dans l’espace ? Ainsi,
la notion d’espace public affleure tout au long de son exposé.
Lorsqu’il parle de créer un socle que se partageront les piétions et les
automobilistes, lorsqu’il évoque des Espaces de Poches comme autant
d’espaces du possible. L’atmosphère ainsi créée semble séduisante.
Or
on mesure là la vraie contradiction de son exposé, dans une démarche de
séduction vis-à-vis des décideurs et des pouvoirs publics, il nous a
présenté son projet comme un produit " fini " tout en insistant sur la
qualité de futurs espaces de partage, de rencontres ("espaces de
possible") alors même que, chargé du plan guide, il n’a pas vocation à
en réaliser l’aménagement. Il est ainsi condamné à l’artificialité pour
traduire les atmosphères qu’il recherche. Il traduit ainsi ces
intentions par des images de synthèse qui baignent dans un flou
artistique, des couleurs différentes pour chaque future opération, nous
laissant suspendu à la réalisation future du projet pour mesurer la
qualité de ces espaces qui nous ont été vantés, voire "vendus".
Espaces qui pourraient pourtant nous séduire.
Plutôt
que de parler d’extrudation des volumes ou de barioler ses
représentations, j’aurai aimé qu’il nous fasse
davantage Rêver avec sa rue à l’européenne et sa conception du "mignon"
Margaux . R
Margaux . R
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* Rem
Koolhaas d’abord écrivain avant d’être journaliste. R. K. à l’origine
de la création de l’OMA (office for metropolitan architecture) autant
que de l’AMO, son pendant, qui
s’intéresse à des questions politiques, sociales etc…
s’intéresse à des questions politiques, sociales etc…
** Conférence qui a eut lieu au 308, les architectes s’adressaient à un auditoire plus averti
*** La
conférence qui a eut lieu au 308, était à vocation plus pédagogique
tandis que celle de Winy Maas relevait plus d’une « opération de
séduction ». Pour autant, il existe une vraie différence de culture dans
la manière de penser et de communiquer le projet.