Bordeaux rassemble une grande richesse d’espaces publics qui semble parfois se rapprocher de «produits» urbains. A la manière de la Victoire dont l’évocation oscille entre réunions arrosées pour étudiants et opérations marketing (red Bull, Barilla, NRJ, ... que du bonheur). Les exemples se multiplient: place Fernand Lafargue, place des Capucins ... Fonction déterminée par la forme ? Espace consumériste ? Serait-ce l’illustration du passage d’une société de partage à une société d’échange ? Reste-t-il des lieux indéterminés ?
Certaines parties des quais, dont Saint Michel, semblent encore de cet acabit. Mais dans l’ensemble, une certaine culture de l’espace public aseptisé semble dominée. Evento ne se pose pas à André Meunier par hasard mais, profite d’une opportunité foncière autant que d’une opportunité symbolique. Cet évènement viserait-il à initier la réhabilitation d’une place qui, jusqu’ici abritait les sans logis, les gamins et un squat faisant plus ou moins office de café: la baraque à guitare ? La municipalité irait-elle chercher jusque dans l’informe les nouveaux territoires d’exercice du Pouvoir ?
Prenons comme illustration la Place de la Bourse, lieu institutionnel par excellence où l’homme semble plus ou moins s’effacer face à cet espace public. Seul le brouillard du miroir d’eau semble nous aider à renouveler notre imaginaire, à illustrer le temps qui passe. Le projet de la place Saint Michel, beaucoup moins heureux, semble aller de pair avec un nettoyage social, imposé par une action double sur l’espace public et l’habitat. L’un servant l’autre. L’argent public, au service des velléités marchandes de quelques investisseurs, en lien avec des politiques déconnectées viennent phagocyter un quartier populaire, vivant, sûr et protéiforme. On connaît la chanson! Nous sommes aux avant- postes de Stérilisation programmée, bien réelle ou «fantasmée».
Alors que nous évoque les termes sibyllins de Proximité et partage ? La proximité spatiale et le partage social, change l’un comme l’autre au gré des évolutions technologiques et de l’ «explosion» de la ville (d’autres diront de sa «polarisation», de sa «fragmentation»). A chacun de refaire sa ville, de rassembler les morceaux qui constituent ses espaces de vie. Au final, le partage devient choisi plutôt que contraint. La proximité s’est glissée de l’espace physique à l’espace virtuel. Y-a-t-il un sens à retrouver l’usage d’une proximité spatiale? Parfois le sentiment que tout est déterminé, dessiné, que nous manquons un peu d’inconnu surgit, dans cet espace urbain policé. Nous avons perdu le sens de l’inutile, de l’informel, de l’indéfini. L’espace, uniquement public, ne supporterait plus son Inutilité... L’espace public serait-il devenu un espace à public ?
Vincent Milla